Comment prendre des décisions data-driven éclairées dans un environnement en perpétuel bouleversement ? La crise de la Covid-19 et l’incertitude qu’elle fait peser à échelle globale sur les entreprises invite celles-ci à repenser leurs modèles d’analytics vers davantage d’agilité pour développer une capacité de réponse efficace et rapide face aux événements.
Dans une étude récente que nous avons menée en Amérique du Nord et qui visait à mesurer l’impact de la crise de la Covid-19 sur les modèles analytiques, 83 % des décideurs interrogés affirmaient avoir modifié leur approche ou être en phase de transformation (46 % pointant des changements « majeurs »). En cause : les fluctuations importantes observées dans la période sur la demande de produits et services, sur le prix ou la disponibilité des matières premières ou encore sur le comportement des consommateurs. Des fluctuations brutales que l’analytics traditionnelle, appuyée sur la recherche de précision et de vraisemblance dans les forecasts, avait consciemment écartées de l’analyse et qui ont pourtant démontré leur impact business.
Si la recherche d’exactitude dans les prédictions reste bien sûr déterminante pour la performance des entreprises, le basculement vers un monde incertain doit inciter à davantage de flexibilité dans les méthodologies analytiques avec un recentrage sur l’identification des signaux faibles de tendances – y compris lorsque celles-ci sont peu probables – et sur la construction de scenarii pour s’y préparer. L’objectif étant ensuite d’aider l’entreprise à développer rapidement une réponse business efficace pour les scenarii qui se révèlent vrais.
Cette démarche « d’analytics agile » est originale en ce qu’elle implique d’adopter une approche par scénario pondéré plutôt que par forecast individuel et d’accepter que certaines prédictions prévues par des modèles ne se réalisent pas. Elle invite également à dépasser la simple classification « positif » ou « négatif » lorsqu’il s’agit d’évaluer un événement, en replaçant celui-ci dans une multiplicité de scénarii. Et de monitorer davantage les premiers frémissements de tendances (sur les réseaux sociaux par exemple) que des projections quasi-certaines.
En ce sens, l’analytics agile peut agir comme une « lampe torche » (au lieu du « téléscope » dans l’approche traditionnelle de l’analytics) capable d’éclairer une partie de l’avenir au cœur de l’obscurité, avec des effets importants en matière de parts de marché et de revenus pour les entreprises qui auront su mettre en lumière et exploiter les tendances gagnantes avant leurs concurrents.
Comment y parvenir ? Ce pivotement vers l’analytics agile repose en grande partie sur l’utilisation de l’intelligence artificielle avancée, à travers un travail de réévaluation permanente des données et des modèles pour éviter leur obsolescence et les rendre pertinents en toute situation.
Trois critères seront notamment à surveiller :
- La fraîcheur – c’est-à-dire la capacité des données à rendre compte en permanence des changements les plus récents susceptibles d’affecter l’activité de l’entreprise, en y adjoignant un délai de réponse opérationnelle réaliste. Mais aussi une capacité d’actualisation constante des modèles pour correspondre à la nouvelle situation générée.
- La justesse – c’est-à-dire la mise à disposition de données de qualité, y compris lorsque celles-ci proviennent de sources IoT ou des réseaux sociaux. Et, côté modèles, des résultats fiables en toute situation, et pas seulement au regard des conditions actuelles. En particulier, ces modèles doivent être en capacité de mettre de côté les patterns dont la pertinence serait menacée par une évolution du contexte ou une adoption systématique par la concurrence.
- La pertinence – c’est-à-dire le ciblage sur des données à fort potentiel d’impact sur l’activité, qu’elles proviennent de l’intérieur ou de l’extérieur de l’organisation.
Dès lors, comment les techniques d’IA avancée telles que le machine learning peuvent-elles aider les entreprises à accéder à cette intelligence temps réel ?
- D’abord en permettant l’identification permanente des données les plus à jour et les plus pertinentes : par exemple les sources de données historiquement plus porteuses de ROI pour l’entreprise ou les indicateurs-clés dont l’évolution impacte fortement la probabilité d’un scénario.
- Puis en raffinant constamment le choix de ces données et l’efficacité des modèles analytiques qui les traitent. Le Cognizant Learning Evolutionary AI Framework (LEAF) s’est ainsi donné pour mission de générer et tester la fiabilité de millions de modèles pour extraire les plus performants face à un problème donné. Sa méthodologie consiste à confronter ces modèles à un modèle de simulation du monde réel (lui-même constamment apprenant) et à affiner les résultats des différents scenarii sans avoir à attendre leur occurrence dans la réalité. Le score de robustesse attribué à chaque modèle puis, itérativement, à chaque modèle sous-jacent en choisissant à chaque génération celui ayant obtenu le score maximal, permet de garantir une optimisation du scénario retenu.
Par ailleurs, au-delà de l’utilisation d’IA avancée, la démarche d’analytics agile implique également des stratégies de modernisation de données à la fois sur l’architecture et sur les processus, en développant :
- Un socle solide de données (data foundation) : un socle qui garantit l’accès aux données, y compris à celles issues des réseaux sociaux et de l’IoT (ce qui implique de regarder au-delà des plateformes traditionnelles), et qui analyse en permanence leur niveau de fraîcheur, surtout lorsque celles-ci sont stockées à la périphérie des capteurs qui les ont générées.
- Des processus agiles : de la même façon qu’on peut l’utiliser lors du développement d’un produit logiciel, la méthode Agile peut être sollicitée sur des problématiques analytiques. Un use case mis en œuvre récemment pour un client d’une grande chaîne de magasins nous a montré l’intérêt de travailler en Sprints réguliers, en prototypant de manière itérative notre analyse et en exécutant davantage de tâches en parallèle. Les bénéfices business ont été observés chez ce client beaucoup plus rapidement.
L’époque de l’analytics statique, appuyée sur des projets d’IA one shot semble donc révolue. Dans le monde d’après, l’intelligence décisionnelle s’appuiera sur la capacité des entreprises à analyser des données et modèles constamment affinés et réentraînés. L’IA avancée pourra les aider à atteindre cet objectif mais, pour maîtriser celle-ci, il sera indispensable de s’appuyer sur un écosystème de données modernisé.