Le Manifeste Agile fête ses 23 ans. Depuis, bon nombre de projets et de programmes ont adopté ou abordé l’Agilité. Mais ce n’est pas une méthode magique. Reconnue comme une approche fluide, vecteur de collaboration, d’alignement et d’amélioration de l’environnement de travail, son efficacité sur la productivité et le time-to-market doivent encore faire leurs preuves. L’Agilité a-t-elle atteint un plafond de verre ? Est-elle mature ? Faut-il passer à autre chose ?
Ici, nous apportons un regard de consultant en transformation Agile sur son déploiement, plus de 20 ans après la publication du Manifeste, et nous adressons aux personnes souhaitant comprendre où en est l’Agilité et quelle orientation prendre. Il répond aux nouvelles attentes des entreprises telles que présentées dans le rapport annuel 2023 du State of Agile1 ou telles qu’observées lors de nos missions et échanges avec nos clients.
Voici un relevé non exhaustif des quatre principaux irritants symptomatiques et récurrents au développement de projets et quatre axes d’amélioration pour changer la donne. Reste à passer à une approche Agile 2.0 intégrant des solutions pragmatiques pour continuer de bénéficier des avantages de l’Agilité pour obtenir des résultats significatifs dans l’entreprise.
Les quatre principaux irritants
Lors de la mise en œuvre des pratiques agiles dans divers projets, certains obstacles freinent l'atteinte des objectifs. Ces irritants soulèvent des questions cruciales sur l'efficacité et la maturité de l'Agilité dans les entreprises et projets modernes. Voici une analyse des quatre principaux irritants que nous avons pu identifier dans le déploiement de l'Agilité.
1. Absence de gestion des interdépendances entre projets
Les projets Agile et traditionnels s’accordent mal sur les dépendances. Les frameworks Agile ne ciblent pas suffisamment la gestion des dépendances inter-projets ce qui crée, à terme, des incompréhensions et freins à l’avancement de ces derniers.
2. Dilution des responsabilités
Les frameworks Agile ne désignent pas de delivery managers, config managers, release managers ou encore stream managers, par exemple. Cette absence d’identification claire des rôles conduit à une dilution des responsabilités de la production jusqu’au déploiement, qui est en opposition avec la valeur d’engagement d’équipe promue par l’Agilité.
3. Limites des méthodes historiques en phase d’innovation
La méthode Scrum promeut l’horizontalité des compétences (T-Shape), le développement de leur pluralité mais freine également la profondeur de celles-ci. D’autre part, Scrum, qui est toujours la méthode Agile la plus utilisée au monde décrite dès 1995, est peu compatible avec les projets d’intelligence artificielle d’aujourd’hui. En effet, les projets exploratoires bénéficient davantage de méthodes Agile axées sur les flux et résultats.
4. Difficulté à réaliser les bénéfices attendus
Le déploiement agile est trop souvent interrompu en cours de route. Prioritairement appliquée à la couche exécution, l’implémentation de l’Agilité au niveau du pilotage de projets et de la gestion des ressources reste aux premiers stades. Cela ne permet pas d’atteindre tous les bénéfices escomptés, tels que la création de valeur ou l’amélioration du time-to-market, qui figurent parmi les deux principaux avantages attendus de l’Agile selon le rapport annuel 2023 du State of Agile, cités par 41 % des répondants.
Les quatre axes d’amélioration
Face à ces défis, voici quatre axes d’améliorations qui ressortent de nos différentes observations concernant les personnes, les processus et les pratiques.
1. Trouver le modèle opérationnel business et IT le plus Agile possible
Nous l’avons vu, l’amélioration du time-to-market figure parmi les bénéfices les plus recherchés. Et l’Agilité business peut y répondre en s’appuyant sur des solutions logicielles supportées conjointement par les équipes IT et business. Favoriser un dialogue entre ces deux parties prenantes permet de booster la collaboration et, in fine, de créer plus de valeur.
2. Embarquer les principes Agile à tous les niveaux de l’organisation
Les leaders business et les décideurs doivent être informés, impliqués et exemplaires au même titre que les équipes de pilotage et d’exécution de projets afin d’obtenir l’adhésion de tous.
3. Définir des objectifs de création de valeur
L’expérience terrain nous a montré que les objectifs par phase de développement (spécification, conception,…) ne sont pas satisfaisants en ne délivrant pas de valeur pour l’utilisateur final. Adopter des objectifs clairs, basés sur des hypothèses de bénéfice, évite l’effet tunnel et participe à la construction de plans projets guidés par la recherche de valeur ajoutée. Ce principe est à appliquer quel que soit la temporalité (story, feature, itération, trimestre, annuel).
4. Identifier les rôles clé du delivery et de la mise en service
Les méthodes Agile définissent clairement les rôles (Product Owner, Scrum Master, équipe Agile, squad, pod) et leurs qualités (autonomes, engagés, performants, sens de la communication, …). Mais ces méthodes ne déterminent pas les responsabilités opérationnelles propres à chaque programme. Le déploiement de l'Agilité sur un programme doit définir une organisation et une gouvernance suivant les recommandations Agile tout en identifiant des acteurs opérationnels tels que les roll out managers, les gestionnaires de configuration, les stream managers ou encore les responsables d'exploitation.
En résumé
Pour conclure, l’Agilité n’a pas produit tous les bénéfices business escomptés. Malgré les avancées intéressantes sur la manière de réaliser les projets (l’alignement et la collaboration pour 58 % des personnes interrogées relevés par le State of Agile 2023, la qualité à 25 %, la transparence à 21 %), les temps de développement IT restent encore trop longs pour face aux impératifs business.
Les méthodes les plus utilisées, Scrum, Kanban et SAFe sont structurantes et formatrices, mais pas adaptées à la réalité auxquels les projets sont confrontés. Les programmes de transformation sont alors revus ou interrompus. Les dépendances entre projets, la responsabilité partagée, l'application hors-sol de méthodes Agile, les habitudes et résistances, la méconnaissance des métiers sont autant de freins à l'amélioration de la productivité.
Les bénéfices de l'Agilité sont toujours dans la cible des décideurs. En proposant d'adopter une Agilité business alignée avec l'IT, d'acculturer chaque acteur, d'avancer par objectifs, et de responsabiliser chacun, l'approche évoluera vers plus de pragmatisme.