Longtemps critiqué, le Master Data Management (MDM) vit un retour en grâce à la faveur de l’explosion de l’intelligence artificielle (IA). Acteur essentiel de la qualité des données, indispensable pour « ordonner le chaos » et fluidifier les opérations, sa mise en application n’en demeure pas moins exigeante. Cognizant se penche sur les bénéfices et les impératifs de cette démarche, avec la conviction que la création de valeur est à portée de main.
Le Master Data Management (MDM) a longtemps souffert d’une image négative dans les entreprises, nourrie par les lourdeurs de sa mise en place et la lenteur de ses retombées. « Trop cher, trop monolithique, trop complexe, se rappelle Sumit Jha, directeur associé et responsable du Data Management chez Cognizant. Les projets de MDM mettaient des mois, voire des années à délivrer de la valeur, et cela réclamait beaucoup de volontarisme de la part des équipes. Résultat : les entreprises préféraient baisser les bras, effrayées par tous les changements à prévoir ».
Ces réticences sont cependant en passe d’être levées, sous l’impulsion de deux révolutions technologiques successives qui remettent le MDM au centre de la scène.
La première d’entre elles : le SaaS. « Avec le SaaS, le MDM est devenu une brique d’une architecture plus large, ce qui a effacé l’aspect monolithique, analyse Sumit Jah. Vous pouvez commencer un projet MDM à petite échelle et en tirer des bénéfices en seulement quelques semaines ».
Et l’autre révolution, qui est en cours actuellement et qui pourrait bien booster l’utilisation des MDM, c’est celle de l’intelligence artificielle. Car sans données de qualité, pas d’IA possible.
Une source unique de vérité
Or le MDM est précisément le garant de la cohérence, de la pertinence et de la responsabilité des données sur tous les systèmes de l’entreprise, en fournissant une source unique de vérité accessible à tous – un prérequis essentiel pour toute démarche d’IA.
« Si vous avez un livre de cinq cents pages qui contient une avalanche d’informations, le MDM est l’index de tout cela : vous savez où vous diriger quand vous cherchez un renseignement », explique Sumit Jha. Dans le contexte de l’entreprise moderne, « le MDM est ce dont vous avez besoin quand vous agglomérez plus d’un seul système, comme une base de données clients, un système ERP et un système CRM », poursuit-il. « Cette dispersion produit la création de plusieurs données d’indexation qui se réfèrent pourtant toutes à la même entité : le MDM permet alors de les unifier sous un même intitulé ».
Prenons un exemple concret : imaginons un intitulé « Dupont ». Celui-ci peut se rapporter à la fois à une indexation client, à un partenaire du service marketing et à une référence fournisseur dans le système CRM, ces trois vocables provenant de la même entreprise. En réunissant ces intitulés sous la même bannière, c’est-à-dire en remplaçant Dupont Marketing, Dupont Client et Dupont Fournitures par la seule référence Dupont, l’outil connecte les trois domaines ensemble et fournit une vue unifiée à l’utilisateur. Toutes les données relatives à l’entité Dupont sont maintenant rassemblées en un seul endroit, avec une garantie de qualité sur l’orthographe, les adresses, les numéros de téléphone, etc…
« Mais le pouvoir du MDM ne s’arrête pas là », avertit Sumit Jha. « L’intérêt principal de cette technologie est de s’assurer que l’indexation ne se décorrèle jamais des autres et que la donnée s’actualise quel que soit le système dans lequel elle se trouve ». En d’autres termes, si un membre du département marketing choisit de changer l’adresse du siège de Dupont, cette modification sera visible également dans l’index Dupont du CRM.
Une hausse de 2 % des revenus
Pour ces raisons, « le MDM est particulièrement utile dans des contextes de fusions et d’acquisitions. Quand vous disposez de multiples ERP, de plusieurs CRM et d’autres types de bases de données, c’est un outil indispensable – et cela s’applique également dans le cas d’une scission d’entreprise. Vous avez besoin de savoir quelles données vous avez, où elles se trouvent et qui est responsable pour chacune ».
En résumé, les principaux bénéfices d’une approche MDM peuvent être énoncés comme tels :
- Des données cohérentes et précises. Le MDM s’assure que les données ne sont pas proposées en silos mais accessibles à tous les services de l’entreprise. Ces données sont actualisées et débarrassées de toute erreur ou incohérence.
- Une prise de décision plus éclairée. Les décideurs peuvent s’appuyer sur un patrimoine de données plus fiable et harmonisé pour prendre leurs décisions.
- Des process de qualité et de conformité plus robustes. En fournissant une base solide de gouvernance aux différentes données de l’entreprise, le MDM s’assure que l’entreprise réponde aux exigences de conformité en toute fluidité.
- Une meilleure efficacité opérationnelle. En se débarrassant des doublons et des conflits de données, le MDM simplifie également les opérations liées à la gestion des sources de données.
- Des informations plus riches sur vos clients. Grâce au master data management, les entreprises obtiennent une vision 360° plus pertinente de leurs clients, ce qui ouvre le champ à des services plus personnalisés.
- Une hausse du chiffre d’affaires. Assez logiquement, l’amélioration des informations issues des données et la réduction des erreurs tirent le chiffre d’affaires vers le haut.
- Une meilleure responsabilité au cœur des métiers. Dans une stratégie MDM, chaque donnée est considérée comme un actif de l’entreprise avec une traçabilité de bout en bout, grâce au suivi d’une personne référente jusqu’à son utilisation dans les opérations métiers.
- Un rôle important dans les opérations de fusions et acquisitions. Le MDM est crucial pour assurer la continuité en cas de restructuration ou d’acquisitions, des situations dans lesquelles de nombreuses sources de données sont mobilisées.
Au total, Sumit Jha évalue à 2 % la hausse des revenus induite par une stratégie MDM mature, notamment grâce à l’amélioration des informations et l’optimisation opérationnelle qu’elle génère. Bien loin des difficultés des débuts, le MDM est aujourd’hui accessible aux équipes métiers, rentable financièrement et fondamental pour la généralisation progressive des cas d’intelligence artificielle dans l’entreprise.
« Le grand critère de déploiement reste le volet humain »
L’enjeu du MDM aujourd’hui n’est donc plus vraiment d’affirmer sa légitimité mais de garantir le succès de son déploiement. Et, dans cette optique, le challenge n’est pas uniquement technologique mais humain et organisationnel. « Même si l’adoption du MDM a été boostée à une époque par la migration vers SAP S/4 HANA, qui réclamait précisément des données nettoyées (notamment dans l’industrie manufacturière), le grand critère de déploiement reste le volet humain : les métiers ont besoin d’être activement associés aux processus de déploiement, et ce changement doit susciter l’enthousiasme », note Sumit Jha.
Une entreprise d’autant moins hasardeuse que la prise en main du MDM est rendue plus accessible qu’à ses débuts. « Il faut simplement se concentrer sur les questions-clés : où veut-on déployer le MDM en premier ? et pourquoi ? Ce n’est qu’une fois ces questions adressées que vous pouvez commencer à travailler sur la stratégie. De même, je vous conseille d’évaluer en amont l’impact du MDM sur les problèmes régulièrement adressés pour gagner en pouvoir de conviction devant votre management – sinon vous aurez du mal à estimer la valeur apportée ».
Quantifier la valeur créée
Reprenons l’exemple utilisé plus haut : Dupont. Imaginons que, sur un dossier de stockage, une faute d’orthographe est faite, avec l’inscription Dupond (alors que le dossier contient les mêmes informations que son homonyme Dupont). « Essayez d’évaluer combien de temps est perdu à corriger cette erreur, combien de clients ne sont pas approchés correctement dans l’intervalle, quelle quantité de travail inutile est engagée. Et, à l’inverse, avec quelle rapidité le MDM permet de réunir ces deux entités (Dupont et Dupond) sous le même nom. C’est à travers cette grille d’améliorations quantifiables que vous pourrez prouver la valeur du MDM ».
Autre exemple : « Quand un client appelle le service Relation Client parce qu’il a un produit défectueux, le téléopérateur (qui, via le MDM, a accès à la référence produit et à toutes les informations concernant l’article et le client) peut lui apporter de l’aide directement sans passer par le service technique. Ici, l’impact en matière de qualité de service mais aussi d’économie de temps et d’argent est manifeste (nul besoin d’envoyer un technicien) ».
Enfin le pouvoir du MDM peut s’exprimer à travers les applications nouvelles qui pourraient être créées : « Dans l’industrie manufacturière notamment, où il est important d’avoir des données bien ordonnées (pour identifier les caractéristiques techniques ou réglementaires des produits), le MDM peut être un terrain pour l’exploration de stratégies d’IA générative sur les données. Sans MDM, le travail de classification aurait été effectué manuellement, ce qui aurait pénalisé toute forme d’expérimentation de ce type ».
De l’entrepôt à la bibliothèque : un travail de long terme
Malgré tous ces bénéfices, on aurait tort de considérer le MDM comme un objectif à part entière : il reste un outil, un moyen pour ordonner les données, et le travail de gestion ne s’arrête jamais vraiment. « Considérez qu’une entreprise sans MDM s’apparente à un entrepôt immense où s’empilent des livres. En mettant en place le MDM, cet entrepôt devient une bibliothèque. Et si vous abandonnez pendant quelque temps la gestion des références de cette bibliothèque, en un rien de temps vous aurez de nouveaux des empilements désordonnés de livres… »
Pour cette raison, le processus de MDM doit être envisagé sur un mode continu, de long terme. « Si vous arrêtez de gérer le MDM une fois vos données classées, poursuit Sumit Jha, il est fort probable que 20 % de vos données se trouvent à nouveau désordonnées au bout d’un an. Et au bout de deux ans, on estime ce chiffre à 60 % ». Des statistiques qui confirment que la qualité des données est un combat incessant qui implique une maintenance continue du MDM.
Sans surprise, ce sont les laboratoires pharmaceutiques qui démontrent la plus grande maturité en matière de déploiement MDM. « Quand vous êtes soumis à une avalanche de réglementations, vous devez être capable d’établir une traçabilité constante sur toutes vos données, depuis les données de R&D jusqu’aux salaires des collaborateurs ! Le MDM s’impose logiquement comme pourvoyeur de valeur dans ce contexte ».
« Ce n’est pas une course de vitesse ! »
Cependant, cet outil ne s’adresse pas qu’à ce type d’entreprise et les débutants ne devraient pas se sentir effrayés par le cheminement continu qu’impose le MDM. « Le MDM est simplement une tactique pour créer de l’ordre au milieu du chaos et maintenir cet état de façon structurelle. Vous pouvez commencer petit et élargir peu à peu le périmètre de données. Vous pouvez faire des pauses si vous ne voyez pas encore la valeur générée, et reprendre quand les premiers résultats commencent à arriver. Il y a beaucoup d’entreprises qui commencent tout juste leur stratégie MDM, ce n’est pas une course de vitesse : surtout n’allez pas trop vite, ce n’est pas dans la précipitation que se trouve la valeur du MDM », conclut Sumit Jha.
Article traduit et localisé à partir de l'article en anglais, All of your data in order: The what and why of master data management.