Cela fait quinze ans que les entreprises parlent de décisions appuyées sur les données. Mais, face au volume des sources et à l’afflux d’indicateurs, la Business Intelligence est souvent impuissante à livrer des insights pertinents. Il est temps de lancer une nouvelle approche, dynamique, individualisée, contextualisée pour permettre à la BI de démontrer tout son potentiel auprès de l’utilisateur.
Il y a peu, une grande entreprise pharmaceutique est venue nous solliciter pour améliorer ses systèmes de business intelligence (BI) car les dirigeants avaient du mal à avoir une vision complète de l’activité : ils n’arrivaient pas à agglomérer dans un même système de données les établissements hospitaliers, les officines, les organismes payeurs et les ventes sur le terrain.
Pourtant, ces mêmes dirigeants disposaient chacun à leur niveau d’outils de BI et d’applications de reporting leur permettant de suivre l’activité et de prendre des décisions… Mais ceux-ci étaient sous-employés : plutôt que de générer automatiquement des rapports, les dirigeants préféraient perdre du temps à croiser manuellement les chiffres et les données.
Après quelques investigations, il nous est apparu que la clé du problème résidait dans le manque de personnalisation des rapports : les besoins des différents décideurs, quels que soient leurs métiers, étaient tous adressés de façon uniforme via des référentiels uniques.
Au-delà, c’est l’absence de contextualisation de ces indicateurs qui ressortait : pour un résultat donné, les facteurs explicatifs n’étaient pas apparents, ce qui entravait l’établissement de tout lien de causalité entre les données.
Derrière chaque indicateur : un contexte de données
Que conclure de ce cas ? Principalement que la business intelligence ne peut parvenir à générer une décision appuyée sur les données, si ces données sont précisément trop nombreuses et non qualifiées au sein de l’interface BI. S’il faut autant de temps pour analyser les déterminants d’un résultat que pour obtenir ce résultat, alors l’utilisateur ne sera pas tenté de recourir à l’outil.
Prenons trois exemples :
- Commercial. Sur une interface de suivi commercial, un indicateur peut révéler subitement que les ventes d’un concurrent se sont envolées. Mais pour quelles raisons ? Pour le savoir, les responsables commerciaux seront amenés à consulter des rapports de ventes internes, des compilations de données de marché et tout un panel d’analyses avant de pouvoir prendre une décision et répliquer.
- Marketing. Dans un service marketing, les nombreux outils BI peuvent permettre un suivi des activations stratégiques et des plans marketing. Mais quelles informations livrent-ils sur l’efficacité des campagnes ? Pour le savoir, il est indispensable que les responsables puissent croiser les données pour trouver des facteurs explicatifs derrière des indicateurs bruts comme les taux de conversion ou l’augmentation du trafic.
- Opérationnel. Ce foisonnement de rapports et d’indicateurs se retrouvera également dans les fichiers d’un responsable de business unit qui devra prendre des décisions sur la base de centaines de données issues de la supply chain, de la production, des ventes ou du marketing. Quelles possibilités de synthèse ? quelles possibilités d’identification des leviers-clés de changement ?
Ces exemples parlent d’eux-mêmes. Les recours à des interfaces statiques et des données contextualisées ne permettent pas d’accéder à de l’information éclairante ou actionable insights, comme les anglophones les qualifient, des leviers d’action. Il s’agit juste de données brutes.
Les outils BI sont sous-utilisés
Il est peu surprenant, dès lors, que l’utilisation des outils de BI décline rapidement après leur mise en place. Dans les chiffres, pour une adoption initiale avoisinant les 70 à 85 % dans les trois premiers mois, l’usage dégringole à seulement 10-15 % au bout d’un an...
Ces chiffres doivent conduire à un changement de paradigme et de polarité sur ces outils BI. Plutôt que de focaliser sur les données en elles-mêmes, il s’agit désormais de se pencher vers… l’utilisateur.
Car une prise de décision est souvent le fruit d’un parcours individuel dynamique dans lequel l’utilisateur identifie les informations qui le concernent et qui vont nourrir sa réflexion. Les systèmes de BI doivent donc désormais intégrer ces chemins analytiques individuels pour mener à une véritable décision data-driven.
Des parcours individuels « à la Netflix »
Quelle méthodologie mettre en place pour faire advenir ces parcours individuels ? Pour mieux les appréhender, nous pouvons nous inspirer de Netflix et de ses procédés algorithmiques de recommandations de contenus car ils puisent dans les comportements et préférences de l’individu pour adapter dynamiquement les suggestions.
Dans un modèle « à la Netflix », l’information est d’abord mise en lumière au regard des préférences établies de l’utilisateur ; puis elle s’adapte au gré des actions et choix de celui-ci ; et enfin des suggestions supplémentaires lui sont poussées en fonction de ce que d’autres utilisateurs, habitués à partager les mêmes idées, vont eux-mêmes choisir.
Appliqué à un contexte business, un tel tableau de bord permettrait à un dirigeant (par exemple un responsable commercial) de n’identifier que les données qui l’intéressent (par exemple les données de ventes d’une aire géographique précise, ainsi que celles de ses concurrents sur le même espace), données qui pourraient ensuite évoluer si le dirigeant en question s’intéresse ponctuellement à de nouveaux déterminants de marché (par exemple, les données liées à une tendance produit saisonnière). Mais ce qui est intéressant est la capacité de recommandation d’actions : si les ventes d’un concurrent s’envolent, cet outil pourrait alors proposer des stratégies comme des promotions ciblées ou un benchmark élargi.
Embarquer l’exploration des données
Cependant, la principale innovation d’un tableau de bord avancé comme celui que nous venons de décrire reposerait surtout sur la contextualisation de ses informations.
Pour mieux comprendre ce qui se joue, prenons l’exemple du tableau de bord d’une voiture. Que se passe-t-il lorsqu’un voyant s’allume ? Pour un premier chauffeur, il pourrait s’agir d’une panne au niveau de la batterie : cette personne fera alors des recherches pour savoir combien de temps en moyenne une batterie est censée fonctionner. Pour un second chauffeur, l’hypothèse retenue sera celle de l’huile de vidange qui nécessite d’être changée : il cherchera alors quand a eu lieu le dernier contrôle technique.
Pour l’un comme pour l’autre, des informations complémentaires issues de sources externes sont donc nécessaires. Et si les chemins de réflexion sont différents, l’aboutissement est le même : la nécessité de prendre une décision (en l’occurrence : rapporter la voiture au concessionnaire, se rendre à la station-service du coin, ou chez un vendeur de batteries, ignorer le voyant lumineux, continuer sa route et espérer qu’il disparaîtra tout seul…).
Maintenant essayons d’imaginer à quel point l’expérience serait simplifiée si ces informations externes (durée de vie d’une batterie, date du dernier contrôle technique) étaient poussées directement… au sein du tableau de bord. Mieux : si elles étaient poussées de manière customisée pour chaque chauffeur, l’outil ayant appris à identifier les hypothèses privilégiées par chacun (sur la base des préférences d’informations, de l’historique de conduite et de comportement, et au gré des recherches effectuées par d’autres chauffeurs aux caractéristiques similaires).
Cette fonctionnalité d’exploration avancée constituerait une véritable amélioration en matière de compréhension de la donnée car elle fournirait au chauffeur une contextualisation des indicateurs (en l’occurrence le voyant vert), des informations directement actionnables et, in fine, une aide à la prise de décision.
En cela, l’outil BI « version Netflix » verrait donc une couche supplémentaire d’informations s’ajouter aux données personnalisées suggérées par l’outil. Si l’on reprend l’exemple du responsable commercial naviguant dans une telle plateforme, il est envisageable, en cas de hausse des ventes, qu’une vignette apparaisse indiquant des facteurs explicatifs comme une campagne marketing en cours ou le lancement récent d’un nouveau produit.
La personnalisation au cœur de l’expérience
Personnalisation, recommandations, contextualisation… les moteurs d’évolution des outils BI sont donc nombreux et promettent un véritable bond qualitatif en matière d’insights. Mais ce qui renforcera la pertinence de ces outils est probablement leur évolution dynamique, en écho aux besoins du dirigeant.
Dans notre exemple, plus le responsable commercial interagit avec l’interface, plus celui-ci s’adapte à son utilisateur et fournit des informations contextuelles pertinentes : ainsi, avec la fonctionnalité d’exploration avancée, il pourra bénéficier d’informations de plus en plus approfondies – comme, par exemple, des données sur les comportements individuels des clients ou des analyses géographiques précises.
Sept pré-requis pour une BI avancée
Cependant, pour concevoir ce type de système, encore faut-il que l’entreprise soit techniquement capable d’agglomérer de la donnée et de la transmettre de façon cohérente à l’utilisateur.
Elle doit donc s’assurer de disposer d’une architecture qui soit capable de :
- Extraire des données issues de multiples sources internes et externes : systèmes BI pour l’interne, sources documentaires élargies pour l’externe.
- Fournir un catalogue de contenus requêtable en langage naturel, dans lequel les contenus sont constamment actualisés et accessibles par moteur de recherche.
- Créer une interface de navigation simple et intuitive, comme pour un produit grand public.
- Fournir des fonctionnalités d’exploration autour des données, permettant à celles-ci d’être contextualisées grâce aux informations livrées par d’autres sources de données.
- Créer des liens logiques entre les données pour permettre à l’utilisateur de créer sa narration et d’expliquer des situations précises.
- Filtrer les informations selon l’usage qu’en fait le visiteur et notamment supprimer celles qui sont rarement mobilisées.
- Exploiter les capacités analytiques de l’IA pour créer des alertes, des notifications et des recommandations.
Retour chez notre client dans l’industrie pharmaceutique
C’est avec ces pré-requis en tête et la vision BI dynamique en ligne de mire que nous sommes donc intervenus auprès de notre client du secteur pharmaceutique. Avec lui, nous avons construit et mis en place une plateforme de business intelligence unique, qui propose à ses collaborateurs des expériences utilisateurs ultra-personnalisées, un catalogue de contenus à requêter, des recommandations de contenus, une interface de navigation simple et un déploiement efficace des informations.
Désormais, l’entreprise dispose d’une plateforme unifiée qui livre de l’information transversale et consolidée pour soixante sources de données différentes. Les dirigeants consacrent bien moins de temps à générer des rapports et identifient immédiatement les liens logiques entre les données et l’impact que ceux-ci peuvent avoir sur l’activité. D’un point de vue financier, la plateforme a réduit les coûts annuels de 1,2 millions de dollars, en passant la génération de rapports à l’échelle et en limitant le recours chronophage aux interfaces historiques.
Les résultats sont donc tangibles et visibles rapidement – une perspective qui permettra de répondre aux attentes immenses qui pèsent souvent sur la business intelligence et le décisionnel data-driven. En effet, ces deux disciplines ont souvent été accusées de sur-promettre par rapport à ce qu’elles apportaient concrètement. L’avènement d’outils avancés et dynamiques devrait enfin leur permettre de répondre à ces enjeux de performance et de placer l’utilisateur au centre de la décision, de façon simple, ergonomique et éclairée.
Article traduit et localisé à partir de l'article en anglais, What if business intelligence really delivered intelligence, écrit par Sandeep Upadhyay, Global Offerings Leader, Data & AI.