Face aux bouleversements induits par les critères ESG (Environnement, Social et de Gouvernance) en matière de reporting et de décisions d’investissement, les services financiers sont partagés entre l’urgence de se conformer rapidement à ce nouveau paradigme et la volonté de construire sur le long terme. La donnée, et par-dessus tout un système efficace de gestion des données, jouent un rôle central pour les aider dans cette transition. À condition de suivre pas à pas les premières étapes stratégiques de ce changement…
Si l’ESG s’est imposée dans la liste des priorités du secteur des services financiers, le concept reste encore très théorique pour la majorité des entreprises qui s’en saisissent : derrière des convictions réelles et des discours volontaristes, encore trop peu de décideurs se sont en effet lancés dans l’évaluation opérationnelle des risques ESG de leurs services financiers.
Les chiffres le confirment : dans une étude datée de septembre 2021, le cabinet de gestion des risques Marsh McLennan notait ainsi que, si 80 % des répondants citaient l’ESG comme un enjeu prioritaire, seuls 42 % d’entre eux avaient mis en place un process effectif pour conduire ce changement – qu’il s’agisse d’identifier l’existant, de concevoir une stratégie de réponse ou de lancer des plans d’action en lien avec ces objectifs.
Dans la plupart des cas, il manquerait un élément fondamental pour entreprendre tous ces changements : des données pertinentes – et, par-dessus celles-ci, un système de gestion de données fiable et efficace. Un constat qui s’applique autant aux dirigeants de banques en quête d’optimisation sur leur reporting ESG qu’aux gestionnaires d’actifs qui cherchent à exploiter ces données financières ESG dans le cadre d’une décision d’investissement.
Selon un sondage réalisé en novembre 2021 par le cabinet Ernst and Young (EY), moins de la moitié des investisseurs interrogés (46 %) affirmaient ainsi disposer de processus élaborés et opérationnels en matière de gestion de données ESG. Et si la majorité d’entre eux (75 %) envisageaient d’investir significativement dans un système de gestion de données et dans des outils d’analyse avancés, beaucoup ne savaient pas par où commencer – une situation que les équipes de Cognizant rencontrent fréquemment chez leurs clients.
La gestion des données, enjeu critique des chantiers ESG
Voici donc une stratégie en quatre étapes qui pourrait permettre aux entreprises du secteur de mettre le pied à l’étrier – que celles-ci soient dans l’optique de publier leurs résultats ESG ou de mieux cibler leurs décisions d’investissement.
1) Identifier les indicateurs pertinents
Le premier chantier à lancer dans le cadre d’une stratégie de gestion de données efficace consiste à d’abord déterminer les indicateurs utiles. À savoir : des indicateurs exhaustifs, ancrés dans la réalité sectorielle de l’entreprise et répondant à trois critères clés :
- Une adéquation avec la nature de l’activité : S’il s’agit d’une entreprise grand compte, le plus simple est de se conformer aux indicateurs de base recommandés par le World Economic Forum (en partenariat avec les quatre principaux auditeurs mondiaux : Deloitte, KPMG, PwC et EY). Si certains de ces indicateurs ne permettent pas d’établir un reporting évident, des explications détaillées devraient pouvoir être fournies en remplacement. S’il s’agit d’une activité de gestion d’actifs (et donc de ciblage sur des investissements responsables), la diversité doit être encouragée dans la mobilisation d’indicateurs ESG. Le plus d’indicateurs seront utilisés sur des sujets aussi précis et variés que l’égalité salariale, la contribution à l’écosystème local ou l’impact sur la pollution de l’air (pour n’en citer que quelques-uns), le plus les gestionnaires d’actifs seront à même de choisir les entreprises dans lesquelles investir et de calculer et communiquer un score ESG pour les portefeuilles qu’elles gèrent.
- La prise en compte des parties prenantes : l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise devraient être capables de comprendre et se référer aux indicateurs choisis, afin de pouvoir à leur tour évaluer leurs propres impacts ESG. Dans cette optique, il est indispensable de mettre en place des outils de communication réguliers et bilatéraux avec un large spectre de parties prenantes pour donner de la visibilité sur les indicateurs en cours de sélection.
- La conformité avec des normes de reporting existantes : Si les gestionnaires d’actifs sont liés par les contraintes réglementaires et les mandats de leurs clients, les entreprises grands comptes ont plus de latitude dans le choix de leurs normes de reporting ESG, notamment en raison des réalités très diverses remontées par leurs parties prenantes. Cependant, cellesci peuvent avoir un impact sur le choix des indicateurs finaux : en effet, des protocoles comme CDP, TCFD, ISO, UNPRI sont construits par secteurs tandis que d’autres standards comme GRI et les Objectifs de Développement Durable des Nations Unis sont agnostiques d’un point de vue sectoriel et couvrent un plus large éventail de problématiques ESG.
2) Choisir les bons fournisseurs de données
Face à l’offre pléthorique sur le marché (plus de 160 fournisseurs de données extra-financières ESG, la plupart utilisant leur méthodologie propre), il peut sembler délicat, voire impossible, de faire son choix de fournisseur. D’autant plus qu’une étude universitaire de 2019 portant sur les six agences de notation les plus reconnues au monde établissait un faible degré de corrélation entre les résultats de leurs évaluations – de 38 % à 71 %.
Dès lors, comment s’assurer d’une notation fiable ? La clé réside probablement dans la combinaison d’une approche généraliste et d’une approche spécialisée et donc dans le choix de plusieurs fournisseurs de données ESG. Ce recours à une vision couplée permettant d’assurer à la fois une couverture data élargie et la conception de modèles de données spécifiques correspondant aux indicateurs ESG dédiés de l’entreprise.
3) Définir une politique qualité transparente sur les données
Même si la quantité globale de données ESG disponibles semble en augmentation dans les entreprises, il subsiste de véritables trous noirs sur certains sujets, avec une qualité très variable d’un domaine à l’autre. La plupart des agences de notation comblent ces lacunes en utilisant leurs propres modèles de projection, mais ces méthodes peuvent varier drastiquement d’un fournisseur à l’autre, sans véritable transparence sur le choix des modèles – ce qui rend ensuite difficile la comparaison entre les résultats obtenus.
Pour s’assurer qu’elles disposent d’un vivier suffisamment complet de données, les entreprises devraient d’abord valider les critères de qualité, de disponibilité et de pertinence à vérifier pour chacune d’entre elles, ainsi que la méthodologie de gestion induite. Et, en cas de lacune sur l’un de ces critères, ne pas hésiter à être transparent sur les difficultés rencontrées.
En effet, dans un contexte où le greenwashing est de plus en plus dénoncé d’un point de vue économique et réglementaire, cette transparence est impérative : nous conseillons donc aux entreprises qui analysent leurs données en interne de développer un processus de contrôle et de validation précis indiquant clairement les rôles et responsabilités de chacun. Toutes les données publiées aux parties prenantes doivent être cohérentes et transparentes, avec une tenue de registres adéquate.
4) Construire une fondation IT
Nous l’avons dit : parce qu’elles sont interdépendantes – entre elles et au sein de leur écosystème sectoriel – les données ont besoin d’une stratégie cohérente de gestion pour optimiser leur qualité, fluidifier les process de traitements et générer de l’information pertinente. Mais développer de manière efficace cette stratégie de gestion de données réclame plus qu’un sourcing d’indicateurs ou un choix de fournisseur : cela réclame également une bonne infrastructure technologique.
Dans cette optique, il est important d’inclure les interlocuteurs technologiques dès le début de l’élaboration de la stratégie de gestion des données ESG car ceux-ci veilleront à intégrer des solutions de reporting tout au long du processus. Et, même si les discussions prospectives portent sur un nombre conséquent de technologies et d’outils à mettre en œuvre, trois grands piliers nous semblent indispensables à mettre en avant :
- Une infrastructure cloud scalable
- Une interopérabilité entre plusieurs fournisseurs
- Des écosystèmes internes intégrant les paramètres ESG
De notre expérience sur le terrain, ce sont ces trois critères qui peuvent permettre au système de gestion d’améliorer la collecte, l’agrégation et le reporting de données et de fournir ainsi aux services financiers une colonne vertébrale data adaptée aux enjeux d’aujourd’hui et de demain en matière d’ESG.
Ne pas attendre
Alors que l’univers réglementaire est en pleine construction au niveau communautaire – tout comme au sein de chaque État-membre – nous recommandons fortement aux entreprises du secteur Banque Assurance Finance de se saisir dès à présent des enjeux liés à la gestion de données ESG. Ceci afin d’éviter tout effet « boule de neige » futur provoqué par un problème non traité suffisamment tôt.
Plus l’ESG grandit en maturité, plus le rôle des données s’avère central pour accomplir la vision initiale portée par ses pères fondateurs. Mais la collecte, le traitement et la communication de ces données ne pourra se faire qu’avec le soutien d’une stratégie de gestion de données efficace appliquée aux services financiers. C’est-à-dire une stratégie qui opérationnalise les données issues de plusieurs sources, qui les intègre dans des processus business pour améliorer les décisions d’investissement et qui répond aux mutations constantes de l’environnement réglementaire à travers un reporting évolutif et rationalisé.
Pour toutes demandes spécifiques à la France, contactez Yanina Fedyunina, responsable de la communauté ESG banque et services financiers consulting pour la zone GGM chez Cognizant.
Article traduit en français d'après la version originale, Here’s the missing piece of financial services ESG.